Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Défense, marine et stratégie
8 avril 2015

ACCORD IRAN-OCCIDENT-ISRAËL - Un marché de dupes dans un monde immoral.

Iran_Nucleaire

Par Pr Chems Eddine CHITOUR - Lundi 06 Avril 2015

«Le pouvoir a plus besoin des conseils des sages que les sages de la faveur du pouvoir.» Proverbe iranien

Enfin pourrait-on dire, l'Iran a signé l'accord de reddition à la Munich à Lausanne. Cet accord stérilise toute velléité de l'Iran de posséder un jour la même puissance atomique que les membres du Conseil de sécurité qui s'arrogent le pouvoir de gouverner le monde et d'interdire aux autres- sauf à Israël- le droit de détenir une arme atomique comparable aux milliers qu'ils détiennent et qui renforce leur assurance et leur arrogance. On présente cet accord de Munich pour les Iraniens comme une victoire et on se félicité çà et là d'y être enfin, arrivés. Mieux encore, pour se donner bonne conscience on diffuse en boucle des scènes de liesse de jeunes sur le trajet de l'aéroport pour accueillir le sauveur - un peut comme Daladier et Chamberlain. Après l'humiliation de Munich. Cerise sur le gâteau; on diffuse aussi en boucle le refus d'Israël de cautionner cet accord et Netanyahu exige en prime que l'Iran reconnaisse l'Etat d'Israël. Rien que ça ! Les médias mean stream enfument les citoyens du monde en présentant cette victoire du bon sens. Pour Jean-Pierre Perrin: après un an et demi de tractations et huit jours de discussions à Lausanne, en Suisse, les grandes puissances et l'Iran ont annoncé les «paramètres clés» pour résoudre le dossier du nucléaire iranien. «C'est un grand jour. Retour au travail bientôt sur un accord final. L'UE, les 5 + 1 et l'Iran ont maintenant les paramètres pour résoudre les principales questions du programme nucléaire», a tweeté le secrétaire d'Etat américain, John Kerry. Du côté de Téhéran, on retrouve une satisfaction qui n'est guère différente de celle de John Kerry. «Des solutions sur les paramètres clés du dossier nucléaire de l'Iran ont été trouvées. L'écriture [d'un accord final] doit commencer immédiatement, pour être terminée d'ici le 30 juin», a déclaré le président Hassan Rohani sur Twitter.» (1)

Le rôle trouble de la France
Curieusement, la France est en première ligne elle se sent plus concernée. Le ministre des Affaires étrangères israélien l'a dit en déclarant: «La France et nous partageons la même inquiétude. C'est un fait que Laurent Fabius ait été sceptique: «Cet accord est un accord d'étape qui comporte des avancées positives incontestables, mais il reste encore du travail à faire.» «La France veillera, à ce que [les modalités précises de mise en œuvre] soient établies dans le souci d'aboutir à un accord crédible et vérifiable afin que la communauté internationale soit assurée que l'Iran ne sera pas en situation de se doter de l'arme nucléaire.» En donneur de leçons Laurent Fabius se permet de traiter de menteur l'Iran.: «Quelle durée pour cet accord? C'est «la» grande question. Au nom d'une France revendiquant son rôle précurseur de fermeté, Laurent Fabius assume le costume forcément caricatural du «mauvais flic», marqué par des décennies de suspicion. Il rappelle les mensonges passés de la République islamique sur son programme nucléaire clandestin et exigeait encore récemment un contrôle méticuleux des installations scientifiques iraniennes, pendant une durée considérée comme «humiliante» par l'Iran: un quart de siècle. Washington se contenterait très bien d'un accord sur dix ans.» (2)

Les quatre points clés de l'accord sur le nucléaire iranien
L'Iran a accepté de réduire des deux tiers le nombre de ses centrifugeuses, les machines servant à transformer l'uranium qui, enrichi à 90%, sert à la fabrication d'une bombe. Téhéran maintiendra ainsi 6 104 centrifugeuses en activité. Téhéran va, par ailleurs, réduire son stock d'uranium faiblement enrichi (LEU) de 10.000 kg à 300 kg enrichi à 3,67% pendant quinze ans. Téhéran a accepté de ne pas construire de nouvelles installations d'enrichissement d'uranium pendant quinze ans. En ce qui concerne les sites existants, l'Iran a accepté de ne plus enrichir d'uranium pendant la même durée dans le site de Fordo, Natanz, la principale installation d'enrichissement iranienne sera l'unique installation d'enrichissement du pays. Le cœur du réacteur à eau lourde, qui aurait pu produire du plutonium, sera détruit ou sera déplacé en dehors du territoire iranien. L'Aiea sera chargée de contrôler régulièrement tous les sites nucléaires iraniens. Ses inspecteurs pourront accéder aux mines d'uranium et aux lieux où l'Iran produit le yellowcake (un concentré d'uranium) pendant vingt-cinq ans.(3) Sur la très délicate question de la levée des sanctions, l'accord prévoit que les mesures unilatérales américaines et européennes seront suspendues dès que le respect de ses engagements par l'Iran aura été certifié par l'Aiea. Elles seront rétablies si l'accord n'est pas appliqué.
M.Nétanyahu, estimant que l'accord d'étape «ne bloquerait pas la voie de l'Iran vers la bombe, mais l'ouvrirait». «L'accord augmenterait les risques de prolifération nucléaire et exposerait aux risques d'une guerre horrible», selon lui. Aux Etats-Unis, les républicains du Congrès ont également exprimé jeudi leur scepticisme. «L'Iran, qui verra la suspension des sanctions économiques occidentales si le pays respecte ses engagements, juge au contraire que l'accord met un terme à un «cercle vicieux qui n'était dans l'intérêt de personne», selon son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. Les négociations de Lausanne ont démontré qu'un «vrai dialogue» pouvait «résoudre les problèmes, ouvrir de nouveaux horizons», a-t-il ajouté» (3)
D'une façon magistrale, le professeur Jules Dufour, nous décrit l'état guerrier de la planète et nous apprend que le réarmement permanent des pays producteurs de mort est florissant autant d'ailleurs que le marché des armes de mort aussi bien conventionnelles que non conventionnelles. Il écrit: «Il est primordial écrit-il, de dresser un bilan des guerres qui affligent plusieurs régions dans le monde qui s'avère la poursuite d'un siècle marqué par plus de 200 guerres. Depuis le début du millénaire on compte jusqu'à ce jour 55 guerres, conflits armés, opérations militaires ou révoltes, (...) Depuis le début du XXIe le processus de militarisation de la planète s'est intensifié. La course aux armements ne s'est jamais arrêtée. Bien au contraire, plusieurs guerres sont venues alimenter les industries de guerre des grandes puissances. On a su trouver les justificatifs pour lui donner un nouvel élan. Et ce fut une hécatombe dans plusieurs pays. Aujourd'hui, nous sommes entrés dans une ère de grandes tensions entre les puissances occidentales et la Russie. Il faut dire la vérité. Les États-Unis d'Amérique, ne représentant qu'un peu plus de 4% de la population mondiale, sont les principaux responsables de l'état lamentable dans lequel se retrouve la planète et humanité. Selon le Sipri, entre 2000 et 2013, les dépenses militaires mondiales sont passées de 1119 à 1747 milliards de dollars US. Celles des (USA et Canada) ont grimpé de 410 à 659 milliards de dollars, celles de l'Europe de 358 à 410, celles du Moyen-Orient de 80,8 à 150 milliards et celles de l'Asie-Océanie ont doublé passant de 202 à 407 milliards de dollars (4).
«Selon l'état du monde 2015 poursuit-il, «seule une minorité (des guerres du XXIème siècle) peuvent être décrites comme des conflits interétatiques. Les autres mettent aux prises un État, souvent déliquescent et une ou plusieurs rébellions, avec pour enjeu le contrôle du pouvoir, du territoire ou des ressources naturelles. Depuis le début du siècle ce sont principalement les membres de l'Otan qui ont semé la terreur et la mort sur cette planète. Ils l'ont fait directement ou par procuration.» (4) Pour les armes non conventionnelles il cite neuf pays ayant des bombes nucléaires opérationnelles dont Israël. L'auteur écrit à ce sujet: «Selon les données analysées par Robert S. Hans et M.Kristensen en 2006, le nombre d'Etats puissances nucléaires est passé de 3 à 9. «Nous estimons que neuf Etats possèdent environ 27.000 têtes nucléaires intactes, dont 97% font partie des stocks des États-Unis et de la Russie. Environ 12.500 de ces têtes nucléaires sont considérées comme étant opérationnelles. Aujourd'hui, huit pays (États-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine, Inde, Pakistan et Israël) possèdent plus de 20.500 têtes nucléaires. «Plus de 5000 sont déployées et prêtes à l'emploi, dont 2000 sont maintenues dans un état de haute alerte opérationnelle». Le montant des ventes d'armes et services à caractère militaire par les plus grandes firmes productrices, le Top 100 du Sipri, s'est élevé à 395 milliards de dollars en 2012.» (4)

Israel_Nucleaire

La réalité du monde d'aujourd'hui
Justement, Israël qui insiste pour punir l'Iran, mais que personne n'interroge sur son stock de bombes atomiques on est en droit de se demander où est la conscience du monde. Déjà, en novembre 2013, Israël et l'Arabie saoudite étaient mécontents du déroulement des négociations concernant le dossier nucléaire iranien, estimant que l'éventuel accord entre l'Iran et les six médiateurs internationaux ne sera pas assez contraignant et ne privera pas Téhéran de sa capacité à fabriquer des armes nucléaires. On apprend ainsi que: «Le service de renseignement israélien Mossad et les autorités saoudiennes coopèrent pour mettre au point un plan d'attaque contre l'Iran, écrit le journal britannique Sunday Times se référant à des sources diplomatiques. D'après le journal, Riyadh est disposé à mettre ses bases aériennes à la disposition d'Israël en cas d'attaque contre la République islamique. L'Arabie saoudite envisage également de fournir à l'Etat hébreu des drones, des hélicoptères de sauvetage et des avions de transport.» (5)
Gilles Munier s'interroge pour sa part, sur la réalité de cet arsenal nucléaire israélien et sur la réalité du double standard. Il écrit: «Les médias israéliens ont repris un document déclassé et rendu public par le Pentagone, détaillant le programme nucléaire secret d'Israël. Le rapport en date de 1987 et intitulé «Évaluation technologique critique en Israël et dans les nations de l'Otan», décrit le développement de l'infrastructure et de la recherche dans le nucléaire en Israël tout au long des années 1970 et 80. L'article inclut également des références au rapport de 1987, discuté aujourd'hui comme si c'était une nouvelle révélation Il affirme que «les laboratoires de recherche nucléaire en Israël pendant les années 1970 et 80 étaient «équivalents à [nos] laboratoires nationaux de Los Alamos, Lawrence Livermore et Oak Ridge.» «Le Traité de non-prolifération nucléaire devrait de nouveau être l'objet d'un examen minutieux, comme devrait l'être l'exagération constante répandue par les médias dominants à propos du programme nucléaire iranien. La prétendue crainte occidentale «d'une bombe iranienne» a placé l'Iran sous un régime de sanctions et a mené à de multiples initiatives diplomatiques pour limiter sa recherche et son développement dans le domaine nucléaire, en dépit de l'insistance de Téhéran que son programme n'a que des buts pacifiques. Le rapport publié aux États-Unis a au minimum pour effet de mettre en évidence cette paranoïa et les doubles standards qui sont ceux de l'Occident sur de tels sujets. (..) À la différence d'Israël, l'Iran jusqu'ici n'a jamais manifesté aucune ambition agressive.» (6)

La comédie du vrai pouvoir
Les médias occidentaux présentent cet accord comme une victoire d'Obama qui aura été le seul président à signer cet accord. Pour Thomas Cantaloube, en se félicitant de l'accord sur le nucléaire trouvé avec l'Iran, jeudi 2 avril, le président des États-Unis reprend ce qu'il avait initié au début de son mandat, au nom d'une approche pragmatique qui lui est souvent reprochée. Ce réalisme est en passe de bouleverser les alliances américaines au Proche-Orient. Il lui reste à surmonter nombre de réticences aux Etats-Unis. En football américain, on appelle cela une «hail mary pass». C'est-à-dire une passe hasardeuse, dans des conditions très difficiles, où le joueur espère qu'elle va atterrir entre les mains d'un de ses coéquipiers et non entre celles d'un adversaire... Si le geste réussit, il peut bouleverser durablement l'état des alliances et des conflits au Moyen-Orient; s'il échoue, le statu quo néfaste perdure et la Maison-Blanche accumule un échec supplémentaire. (7) «L'accord-cadre conclu jeudi dernier poursuit Thomas Cantaloube ne résout rien pour l'instant. Mais parce qu'il laisse espérer un nouveau Proche-Orient, il se heurte à l'hostilité revendiquée d'Israël, Il faudra attendre trois mois pour savoir si l'accord-cadre politique, est réellement un événement historique. L'accord de Lausanne ne met pas un point final à la négociation d'un accord définitif d'ici à la fin juin. Mais il représente une véritable percée qui, surtout, permet à l'Iran d'entrevoir la levée progressive des sanctions qui plombent son économie en ces temps de déprime des prix du pétrole.(7)
On dit que Benyamin Nétanyahu a toujours entretenu des relations difficiles avec les administrations américaines. On se souvient que James Baker ne portait pas Benyamin Netanyahu dans son coeur, il l'avait déclaré un temps persona non grata au département d'Etat. Avec Barack Obama, la mésentente s'était également très vite installée. Netanyahu passe outre la Maison-Blanche et vient aux Etats-Unis à l'invitation du Congrès sans voir le président Obama. Le Premier ministre israélien a été d'une virulence extrême contre les négociations avec l'Iran. De plus, il annonce urbi et orbi qu'il est contre un Etat palestinien. Curieusement, en guise de représailles et de mésentente, en décembre 2014, M.Obama a signé une loi qui prévoit une aide militaire à Israël de 3,1 milliards de dollars. C'est à se demander si finalement ce n'est pas la comédie: «Je t'aime moi non plus» avec un partage diabolique des rôles.

Pourquoi l'Iran a signé cet accord de reddition?
On peut invoquer plusieurs raisons. D'abord, la situation économique délicate du fait des sanctions occidentales notamment en ce qui concerne le secteur bancaire et celui de l'approvisionnement en pièces détachées, voire en équipement pour l'industrie pétrolière. On peut aussi y ajouter la situation financière délicate du fait de la réduction des rentrées en devises dues à la chute drastique des prix du pétrole. On peut aussi y ajouter, la trop grande dispersion de la politique étrangère iranienne qui a plusieurs fronts ouverts comme la Syrie, l'aide à l'Irak, voire aussi le nouveau front avec l'Arabie saoudite qui se déclare ennemi de l'Iran. Le président iranien n'avait pas donc d'autres choix que de «sauver les meubles». Le risque est de voir le président iranien se mettre dans les pas de Gorbatchev, c'est le début de la fin pour l'Iran qui va finir par être «normalisé».

1.http://www.liberation.fr/monde/2015/04/02/un-accord-final-sur-le-nucleaire-iranien-en-ligne-de-mire_1234016?xtor=epr-450206&utm_source= newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=quot
2.http://www.liberation.fr/monde/2015/03/31/nucleaire-iranien-les-cinq-points-cles-d-une-negociation-laborieuse_1232475http://www.liberation.fr/ monde/2015/04/02/un-accord-final-sur-le-nucleaire-iranien-en-ligne-de-mire_1234016?xtor=epr-450206&utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm%20_campaign=quot
3.Les quatre points clés de l'accord sur le nucléaire iranien AFP et Reuters 02.04.2015
4. Jules Dufour 2 avril 2015 http://www.mondialisation.ca/laube-du-xxieme-siecle-plus-darmements-plus-de-guerres-la-spirale-de-la-terreur-et-de-la-mort-se-poursuit/5440161
5.http://www.mondialisation.ca/iran-israel-et-larabie-saoudite-preparent-une-operation-militaire/5358514
6.Israel's nuclear arsenal highlights Western paranoia over Iran
7.Thomas Cantaloube http://www.mediapart.fr/ journal/international/030415/obama-est-en-passe-de-bouleverser-la-donne-au-proche-orient?utm_ source=dlvr.it&utm_medium=twitter

Source : http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_chitour/213824-un-marche-de-dupes-dans-un-monde-immoral.html

Publicité
Publicité
Commentaires
Défense, marine et stratégie
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 18 442
Archives
Publicité